Recette originale de la soupe de l’indépendance d'Haïti de Joséphine Bolívar dans Karacoli
- Loco / Kleinvonessen
- 10 déc. 2022
- 4 min de lecture
La soupe au giraumon est aussi emblématique pour les Haïtiens que la dinde de Thanksgiving pour les Américains, que la poule au pot pour les Français ou que la panse de brebis farcie pour les Écossais.
Elle est traditionnellement consommée le 1er janvier, pour fêter la nouvelle année, bien sûr, mais surtout pour célébrer la date anniversaire de l’indépendance du pays, le premier janvier 1804. Hé oui, on l’oublie un peu trop souvent, Haïti a été la première république noire du monde, le premier peuple à se libérer du joug de l’esclavage, et le giraumon représente cette liberté retrouvée. Alors, pourquoi le giraumon (joumou en créole haïtien), et d’abord, c’est quoi un giraumon ?
Le giraumon est une espèce de potiron de la famille des cucurbitacées. Dans cette famille nombreuse originaire d’Amérique du Sud, on trouve également les courges, les citrouilles, les potirons, mais aussi les courgettes, les melons et les pastèques.
Ses valeurs nutritives sont nombreuses. On notera principalement ses vertus antioxydantes car il est très riche en bêta-carotène et en zinc. Il serait idéal pour se protéger contre le cancer de la prostate.
Alors, messieurs, si vous voulez éviter de vous pisser sur les pompes... !
C’est justement à cause de ses bienfaits et de sa couleur noble que la consommation du giraumon était strictement interdite aux esclaves. Elle était exclusivement réservée aux colons.
Vous imaginez bien que lorsque l’indépendance du pays a été proclamée le 1er janvier 1804, le giraumon est devenu le symbole de la victoire. C’est Jean-Jacques Dessalines, le père fondateur de la Nation, qui, depuis Gonaïves, a initié cette tradition en autorisant la consommation du « potiron turban » à tous les ex-esclaves.
Alors, existe-t-il une recette originale ? La recette de la première soupe ? Non, bien sûr, et c’est sa force : la soupe au giraumon peut être préparée de différentes manières. Une seule condition à cela, il faut qu’elle contienne du giraumon. Pour le reste, elle peut s’accommoder de beaucoup d’ingrédients différents. Il y a autant de recettes que de cuisinières. Certaines y mettent de la viande de cabri, d’autres de la viande de bœuf. On s’en fiche. N’en déplaise aux esprits chagrins, ce qui est important, ce n’est pas la préparation de la soupe, mais la consommation du potage, la communion fraternelle, le partage d’une même histoire, la fin des souffrances et la fierté retrouvée.
C’est un plat complet et une soupe idéale pour recevoir beaucoup de monde.
De toute évidence, Joséphine Bolívar avait tout cela en tête quand elle prépara sa recette pour le soir de la conjuration initiale.
Voici sa recette, qui est une recette parmi tant d’autres et qui peut être modulée en fonction de ce que l’on a sous la main. Joséphine commence toujours la veille par la préparation de la viande.
Ingrédients pour assaisonner et cuire la viande
- 2 livres de viande de bœuf (haut de surlonge coupé en dés)
- 2 oranges sûres ou lime (pour nettoyer la viande)
- 1 cuiller à soupe de tout-trempé[1]
- 1 cuiller à café d’ail en purée
- 1 cuiller à café de sel
- ¼ de cuiller à café de poivre
- 1 bouquet garni (persil et thym)
- 1 piment fort scotch bonnet
- 4 clous de girofle (piqués dans le piment)
- 1 cube de bouillon de poulet
- 1 échalote coupée en petites rondelles
- 3 cuillers à soupe d’huile pour la cuisson
Préparation de la viande
Nettoyer la viande avec les oranges sûres et la couper en dés. Assaisonner la viande avec les ingrédients cités ci-dessus. Réaliser en parallèle un bouillon d’os de bœuf (facultatif).
Joséphine Bolívar laisse ensuite la viande reposer environ 24 heures. Elle commence réellement sa soupe avec la cuisson de la viande (dans 3 cuillers à soupe d’huile), qu’elle laisse suer pendant environ 15 mn.
Préparation du giraumon
- 1 beau giraumon (3 à 4 livres)
Elle s’attaque ensuite au giraumon, qu’elle va peler et couper en cubes. Elle va ensuite les cuire dans le bouillon de bœuf fait la veille en y ajoutant une cuiller à soupe de tout-trempé, une cuillère à café de sel et quatre gousses d’ail sans la peau. Après 20 mn de cuisson, elle retire les morceaux de giraumon et les réduit en purée manuellement ou au robot culinaire.
La réalisation de la soupe peut maintenant commencer. Joséphine prend généralement un pot à bouillon de belle taille (une casserole ou une gamelle font aussi l’affaire !). Elle y verse la viande, la purée de giraumon, le bouillon de cuisson du giraumon et tous les ingrédients suivants :
- 3 tasses de choux coupés
- 2 carottes de grosseur moyenne coupées en rondelles
- 2 branches de céleri avec leurs feuilles (si possible) coupées en rondelles
- 1 navet coupé en cubes
- 1 oignon coupé en rondelles puis en deux
- 3 christophines (ou mirlitons)
- 2 patates de grosseur moyenne
- ½ jus de lime ou citron
- 1 piment scotch bonnet piqué de 4 clous de girofle
- 1 tasse de pâtes alimentaires (penne ou farfalle)
- 1 cuiller à soupe de tout-trempé
- 1 bouquet d’oseille
- Sel et poivre (selon les goûts)
Elle fait cuire le tout à feu moyen pendant environ 30 mn. Au bout de 20 mn, elle y ajoute les pâtes et équilibre en fonction avec du bouillon restant ou de l’eau pour obtenir l’onctuosité souhaitée.
Dernière astuce de Joséphine : pour l’oseille, elle fait blondir un oignon ciselé dans du beurre et elle y ajoute l’oseille préalablement coupée en lanières. Elle la laisse fondre quelques minutes avant de la mélanger au potage.
Vous avez compris, cette recette est simple et les proportions présentées correspondent environ à une grosse gamelle. Vous pouvez donc l’adapter à votre guise et en fonction du nombre de vos invités.
Je me souviens très bien, d’ailleurs, que pour la réunion initiale de Mackandal Rezistans, Joséphine n’avait pas de mirliton, et elle avait mis de l’igname et du malanga à la place.
[1] Le tout-trempé est une marinade d’échalote, d’oignon, d’ail, de persil, de poivron, d’huile d’olive, de vinaigre blanc, de piment et d’un peu de bouillon de poulet. Mixer ces ingrédients jusqu’à obtenir une pâte onctueuse et homogène.
(Photo Gilles Petitdemange - Haïtiennes devant le palais aux 365 portes - Petite Rivière de l' Artibonite)




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