Petite histoire « parole de tafia » de Compère Sanreproche et Charitable Complice
- Loco / Kleinvonessen
- 9 déc. 2022
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 11 déc. 2022
– Tim tim ! lance Compère Sanreproche.
– Bois chèche ! répond Charitable Complice.
« Voici notre histoire…
Elle se passe dans une guildive[1] du côté de Léogâne. Sous le toit du hangar bringuebalant et poussiéreux vivaient un chat et une souris. Le chat répondait au nom de Colon et la souris s’appelait Sanfil, ça ne s’invente pas.
La souris Sanfil était du genre malin et enjoué. Elle dansait toute la journée sur les fûts qui contenaient le sirop de canne arrivé fraîchement du moulin à sucre, sur les vieux foudres de chêne où fermentait ce même sirop et sur les tonneaux qui servaient de stockage au tafia[2] tout juste distillé.
Le chat Colon, plutôt empâté et fainéant, faisait la sieste à longueur de journée. Il sommeillait tout en surveillant d’un œil les faits et gestes de la ballerine au museau pointu et aux oreilles rondes, en se demandant comment il pourrait bien faire pour la croquer.
La guildive, encombrée de déchets de canne à sucre et de bûches de bois servant à chauffer l’alambic, était un vrai paradis truffé de recoins, de cachettes et… de trous de souris.
Un jour que la souris Sanfil faisait l’acrobate sur le rebord d’un baril de tafia, elle fut effrayée par le hennissement d’un cheval qui menait une charrette de cannes à sucre à la guildive. Elle glissa malencontreusement sans pouvoir se rattraper et tomba dans le baril de tafia. Désespérément, elle essaya de remonter, mais le baril était glissant et n’offrait aucune prise pour qu’elle puisse se hisser en dehors.
En dernier recours, il lui vint une idée. Elle appela le chat.
– Au secours, au secours Monsieur le chat, je vais me noyer, venez m’aider !
Le chat Colon, réveillé en sursaut, accourut à contrecœur et maugréa :
– Pourquoi ferais-je une telle chose ? Quel intérêt pourrais-je retirer d’un tel acte ?
– Je ne veux pas mourir noyée, et je te donne ma parole d’honneur que si tu me tires de là, je te laisserai me déguster à ta guise ! lui proposa-t-elle, malicieuse.
– D’accord, pas de problème ! Attends un moment !
Sur ces entrechats, le chat Colon récupéra un morceau de canne pour extirper la souris Sanfil de sa fâcheuse situation.
À peine tirée d’affaire, la souris Sanfil s’éclipsa pour se réfugier dans son petit trou.
Le chat Colon, quelque peu pataud et trop confiant, ne put esquisser le moindre geste pour attraper la petite coquine.
– Tu n’as aucune parole, tu n’es qu’une sale petite menteuse, tu n’as pas tenu tes engagements. Jamais plus, tu m’entends, tu ne pourras compter sur moi !
– Écoute-moi bien, Monsieur le chat, ce que je t’avais promis, c’était parole de tafia, j’étais ivre. Et tout le monde sait bien qu’un ivrogne remplit plus souvent son verre que ses engagements. »
[1] distillerie de tafia [2] Tafia ou clairin : eau-de-vie très bon marché produite en Haïti à partir de la canne à sucre, de façon artisanale.
FIN
(Photo Charlotte Blanchet - www.lotusblancphotography.com)




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