Recette vagabonde du mijoté de bœuf créole de Fernando Torres Guevara dans Karacoli

La base de cette recette culte de Fernando est, comme son nom ne l’indique pas, le haricot. Pour le coup, n’importe quel haricot sec fera l’affaire : blanc, rouge, fève, gros haricot de Soissons, haricot de belle-mère, azuki…

Avec le café, son autre passion, on peut dire que Fernando était un spécialiste du haricot. Il lui vouait une véritable passion. Comme les premiers habitants de l’île d’Hispaniola à l’époque, les Taïnos et autres Arawak, il était intarissable sur le sujet et connaissait une quantité considérable de variétés de haricots. Pour les Indiens, la petite fève avait une âme et elle était symbole d’abondance et de longévité, pour ses qualités de conservation, mais aussi pour ses qualités gustatives et nutritives. Ce qui intéressait Fernando, c’était que chacun pouvait révéler ses dons culinaires et laisser libre cours à son imagination pour les accommoder (à condition de les laisser mijoter).

L’esprit de sa recette est simple ; je vais essayer de vous le faire ressentir. Vous avez sûrement déjà visionné les films Mon nom est personne ou On l’appelle Trinita où Terence Hill, dans le premier, se goinfre à la louche de haricots mijotés sur la fournaise de la locomotive devant un Henry Fonda médusé, et dans le second, s’empiffre de la savoureuse légumineuse devant un parterre de cow-boys complètement déconcertés. Eh bien, imagine les deux yeux bleu azur au-dessus de la gamelle remplie de fayots, la cuiller en bois et les bruits de bouche, et tu as l’esprit de la recette. Facile mais pas si simple. Si tu ne captes pas cela, ne commence pas la recette mais va te promener dans les mornes si tu es en Haïti ou va aux champignons si tu es ailleurs.

Voici la recette, pour 6 personnes environ :

Ingrédients

- Quelques bières Prestige (bien frappées)

- Quelques petits cigares cubains (facultatif)

- Du bon jazz cubain ou du bon compa haïtien

- 750 g de bœuf (macreuse ou rond de cuisse)

- 600 g de haricots secs

- 200 g d’oignons

- 5 gousses d’ail

- 100 g de tomates (ou en coulis ou purée)

- 1 branche de thym

- 2 pincées de 4 épices

- 1 pincée de chili (selon les goûts)

- Sel, poivre et huile

Recette

Envoyer la musique (ça marche bien avec du jazz cubain).

On commence par préparer les haricots (ils auront au préalable trempé toute une nuit dans de l’eau froide). Les faire cuire environ une heure à feu très doux (en fonction des haricots, ce temps peut varier. Tester le fondant et le croquant au fur et à mesure).

Couper la viande de bœuf en petits morceaux de 2/3 cm. Chauffer l’huile dans la marmite (cocotte). Faire revenir (griller) la viande de bœuf dans l’huile chaude, puis enlever et mettre de côté les morceaux de viande quand ils sont dorés.

Mettre dans la marmite (cocotte), à la place de la viande, les oignons hachés finement dans le sens de la longueur, puis l’ail écrasé avec le sel et le poivre. Touiller.

Ajouter ensuite les 4 épices, le thym et les tomates finement concassées en tournant. Couvrir. Laisser roussir à feu moyen 10 mn (juste le temps de siroter une petite Prestige et/ou de fumer un petit cigare cubain). Remettre les morceaux de viande de bœuf.

Mélanger le tout, couvrir, laisser cuire 10 mn. Ajuster éventuellement en rajoutant du jus de tomate. Touiller, couvrir et laisser mijoter à petit feu. Au bout de 20 mn, ajouter les haricots et continuer à feu doux une petite heure. C’est bien de laisser infuser et macérer quelques heures : réchauffé, c’est encore meilleur.

Pour accompagner ce petit mijoté, un bon vin chilien ou argentin fera l’affaire, mais le plat s’accommode également avec une bonne bière, une Prestige d’Haïti par exemple.

Vous pouvez maintenant aller sur la terrasse, vous balancer sur la dodine avec une autre Prestige en attendant les invités.

Un petit secret que Fernando m’avait livré un soir que j’étais tombé chez lui « comme un haricot dans le panier » : si tu veux relever le goût du bœuf, rajoute du cacao amer (1 cuiller à soupe pour la recette ci-dessus).

Dans tous les cas de figure, quelle que soit la recette que vous aurez concoctée voire improvisée, ce sera savoureux : l’une des autres qualités du haricot est en effet l’indulgence, et votre plat risque bien de faire flageoler vos invités de ravissement.

FIN

(Photo Gilles Petitdemange - Poste frontière de Malpaso Haiti/Rep Dom)